CHARTE DU LIBRE JARDIN: LA TERRE ET LE SAVOIR EN PARTAGE

À l’occasion du premier forum national « Jardinage et citoyenneté : le jardin dans tous ses états », qui s’est déroulé à Lille les 23 et 24 octobre 1997, des acteurs associatifs, institutionnels, politiques et professionnels ont échangé des expériences de jardins aux expressions diverses, mais porteuses de valeurs communes d’échange, de créativité, de solidarité entre les communautés et de liens retrouvés avec le monde vivant.

Poursuivant la dynamique enclenchée par ce temps fort d’échanges, les acteurs de ce réseau partagent et soutiennent les valeurs communes à ces actions :

Pour le RENFORCEMENT DE LIENS SOCIAUX, là où les conditions d’existence ont contribué à distendre les mailles de la vie sociale, de l’entraide et du dialogue

Pour que les citoyens, sans aucune discrimination culturelle, ethnique ou sociale, puissent S’APPROPRIER LEUR CADRE DE VIE quotidien et l’enrichir

Pour DONNER UN POINT D’APPUI AUX PERSONNES EN DIFFICULTÉ aux fins de retrouver utilité sociale et dignité, en ayant la possibilité de participer à un travail productif qu’il soit monétaire ou non

Pour nouer des liens généreux autant que respectueux avec la Terre et le monde vivant, et AGIR DE FAÇON RESPONSABLE

Pour le plaisir de créer, de goûter, de partager, comme de NOUVELLES FORMES DE LIBERTÉ ET D’AUTONOMIE

 Pour toutes ces raisons, il nous semble important d’affirmer le droit de tous au jardin.

Un jardin, c’est avant tout un projet. Dans ce sens, nous soutenons les principes suivants :

La DIVERSITÉ DES OBJECTIFS contribue à la richesse des projets : écologiques, sociaux, culturels, éducatifs, artistiques, paysagers, thérapeutiques, etc., valorisent au mieux les atouts du jardin.

La diversité des publics et des usagers favorise la rencontre, les échanges, l’entraide : la MIXITÉ SOCIALE, CULTURELLE et GÉNÉRATIONNELLE des acteurs, facilite l’intégration des habitants d’origine étrangère, le lien social intergénérationnel et l’adaptation aux publics en difficulté…

La CONCERTATION est la base indispensable de tout projet. Elle doit impliquer les habitants, les futurs usagers et les intervenants sociaux, élus, techniciens, associations… Cette concertation doit s’attacher à faire ressortir la diversité et l’évolution des besoins, y compris ceux des enfants, des plus démunis et des moins intégrés culturellement, et éviter le clé en main et le pré-pensé.

L’aménagement doit intégrer le besoin des jardiniers de s’approprier leur jardin, les SPÉCIFICITÉS DU TERRITOIRE et le MODE DE VIE DES USAGERS.

La SOUPLESSE ET L’ÉVOLUTIVITÉ DES PROJETS sont garants de leur pérennisation et de leur cohérence avec leur contexte social, culturel, environnemental, économique et éducatif.

Dans la mise en œuvre des projets de jardins, quelles que soient leurs formes, nous nous engageons à promouvoir :

La GESTION PARTICIPATIVE : elle organise des échanges entre les acteurs, prend en compte les souhaits, désirs et contraintes, s’efforce de faire place à la diversité des points de vue. Les règles d’accès et de fonctionnement sont définies collectivement.

L’ANIMATION : elle permet la pérennisation et l’évolution des projets. Elle est assurée par des personnes reconnues des acteurs, attentives à écouter la parole de tous et capables de comprendre et de guider les pratiques de chacun.

Le RESPECT DE L’ENVIRONNEMENT : il est assuré par la mise en œuvre de modes de gestion et de pratiques culturales favorisant la biodiversité (sauvage ou domestique), respectueuses du vivant, intégrant une gestion écologique des cycles naturels, de l’eau et des déchets.

L’INTÉGRATION PAYSAGÈRE DES JARDINS : elle doit être recherchée, par la qualité des aménagements et des constructions (favorisant notamment l’auto construction dans de bonnes conditions), la prise en compte des caractéristiques environnementales des sites, la gestion et la mise en valeur des paysages…

Le JARDIN LIBRE est le nom d’une dynamique d’échanges entre les porteurs de projets de « jardins partagés » et leurs partenaires associatifs, politiques et institutionnels.

Ces jardins sont divers, mais portent des valeurs communes de partage, de créativité, de solidarité entre les communautés, d’aide aux personnes en difficultés, de liens retrouvés avec le monde vivant, de respect de notre environnement…

En cultivant la terre, ce sont les solidarités nouvelles, les échanges, l’épanouissement personnel, le respect du monde vivant, le bien-être que l’on irrigue, que l’on amende comme le terroir d’un nouveau développement humain et durable.

Les pratiques des jardins libres s’incarnent largement dans l’intelligence plus souriante du partage, des tentatives nouvelles, du développement des idées neuves. Elles participent en cela à donner le goût du mieux-vivre que nous voulons pour demain.

NAISSANCE

L’histoire des jardins collectifs n’est pas récente. Depuis le Moyen Age, l’idée de se regrouper à des fins utilitaires sur des terres collectives est observée dans de nombreux pays.

La révolution industrielle favorise l’émergence des jardins ouvriers.

Les guerres et leurs privations incitent les habitants des villes à investir l’espace public pour y cultiver ce qui fait défaut dans les magasins.

C’est au milieu des années 1970, à New York puis dans différentes villes d’Amérique du Nord, que des initiatives populaires investissent des endroits laissés vacants pour les transformer en jardins de quartiers.

Plus de 750 seront créés dans la ville de New York ! Il ne s’agit plus seulement de produire de quoi se nourrir, mais aussi de se retrouver sur un terrain commun et des projets collectifs. Le sol et les idées sont partagés. Ainsi naissent les jardins libres et partagés…

UNE APPROCHE POLITIQUE

Au milieu des années 1980, en France, quelques animateurs sociaux, militants de terrain et autres jardiniers s’intéressent à ces pratiques d’appropriation collective.

La Fondation de France voit là l’opportunité de développer le lien social, tout en prenant en compte, même partiellement, les préoccupations d’autosuffisance alimentaire. Avec son aide, plusieurs séjours sont organisés afin d’étudier les conditions d’émergence de telles initiatives en France.

Des petits groupes travaillent sur ces questions et adaptent, entre autre, les pratiques nord-américaines à nos données urbaines et sociologiques. Ils réunissent au cours de deux colloques, Lille en 1997 et Nantes en 1999, plusieurs centaines de personnes impliquées dans ces initiatives ou désireuses de les développer.

Dès 1997, un réseau informel se met en place et s’organise rapidement, le réseau du JARDIN DANS TOUS SES ÉTATS (JTSE).

Unis par des valeurs communes, formalisées par une Charte (page 2) ses membres représentent la plupart des régions de France métropolitaine, dans lesquelles ils agissent pour favoriser la mise en œuvre, par les habitants, de jardins libres et partagés.

Géré par un collectif d’une dizaine de structures régionales, associatives et coopératives, ce réseau est un interlocuteur reconnu par les différentes instances officielles, force de proposition à l’origine de nombreuses publications, formations ou rencontres autour de la question du jardin en partage.

DATES CLÉS

1997 : Rédaction de la Charte de la terre en partage.

1997 à Lille : 1er forum international Jardin et Citoyenneté, organisé la Ville de Lille et le réseau du JARDIN DANS TOUS SES ÉTATS

1997-2001 : Appel à projets « De nouvelles natures à cultiver ensemble » de la Fondation de France qui a financé 189 projets

1999 à Nantes : 2e forum international sur les jardins organisé par le JAR- DIN DANS TOUS SES ÉTATS et la Ville de Nantes

› 2003 : Vote par le Sénat de la proposition de loi relative aux jardins collec- tifs, qui reconnaît l’existence des jardins partagés et d’insertion

› 2003 : Création du programme parisien Main Verte. D’autres villes avaient déjà créé des politiques comme Lyon, Lille ou Nantes.

Montpellier crée Montpellier Main Verte dans la foulée.

2005 à Paris : 3e forum international sur les jardins organisé par la Ville de Paris

› 2005-2011 : Développement des pôles régionaux, aide à la mise en place de politiques publiques à Toulouse, Marseille, Strasbourg.

› 11 et 12 octobre 2012 à Strasbourg : Colloque international « Villes jar- dinées et initiatives citoyennes », organisé par la Ville de Strasbourg.

Bienveillance : vouloir du bien pour soi et pour les autres.

Respect : respecter la parole de chacun comme étant sa vérité; chacun veille à éviter les jugements, interprétations, suppositions et reproches, sous-entendus, au profit de l’expression de ses ressentis, de ses besoins et la formulation de demandes concrètes.

Souveraineté : chacun prend la responsabilité de ses paroles, ses actes, ses émotions et ses réactions.

Authenticité : oser dire, même maladroitement.

Équivalence : reconnaître la valeur et le pouvoir de chacun; accorder autant de valeur aux points de vue minoritaires qu’aux points de vue majoritaires.

Principe de réalité : chacun accepte les contraintes liées au temps, au lieu et aux moyens matériels dont nous disposons ensemble.

Confidentialité : chacun s’engage à respecter la confidentialité des propos tenus par les membres du groupe.

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